Stephen Harper fait renaître le scandale des commandites

Le Premier Ministre Canadien bénéficie de rebondissements dans le scandale des commandites toujours accroché à ses concurrents libéraux.

Commandites, scandale et corruption : ces trois mots ont dominé les débats de la campagne électorale fédérale canadienne de janvier 2006.

Le scandale des commandites a été alors le thème central de la campagne du Parti Conservateur.

Ce scandale repose sur des liens entre le Parti Libéral et une société Earnscliffe. David Herle et Elly Alboim, qui étaient au nombre des directeurs d'Earnscliffe, ont été les conseillers de campagne de Paul Martin, Premier Ministre sortant et leader du Parti Libéral, pendant les dix ans où il a tenté d'accéder à la direction du parti.

Le 31 mars 2005, le député conservateur Dean Allison a fait inscrire une question demandant des renseignements sur les "subventions, contributions et garanties de prêt" et les "contrats" entre le gouvernement du Canada et Earnscliffe.

Dans sa réponse, le 26 septembre 2005, le gouvernement Martin a fourni de l'information sur huit contrats entre Earnscliffe et le ministère des Finances au cours de la période visée par la vérification faite en 2003 par la vérificatrice générale (de 1999 à 2003).

La valeur des plus petits contrats entre Earnscliffe et le ministère des Finances pendant la période visée par l'étude de la vérificatrice générale totalise 78 524 $. Celle des contrats plus élevés atteint 769 865 $.

Si ces chiffres sont exacts, ils signifient concrètement que, lorsqu'il était aux Finances, Paul Martin a rétribué Earnscliffe entre 78 524 $ et 769 865 $ pour des contrats sans prestation écrite défendant que les études donnaient lieu à des rapports exclusivement verbaux.

Lorsque les travaux de la vérificatrice générale sur les commandites ont été renvoyés pour enquête au juge Gomery, Paul Martin a expressément exclu du mandat le chapitre du rapport de la vérificatrice générale consacré aux recherches sur l'opinion publique.

Le juge John Gomery a procédé à son enquête.

Dans son premier rapport, le commissaire note d'abord qu'il est convaincu que bon nombre de témoins qu'il a entendus lui ont menti.

Mais au bout du compte, le commissaire en arrive néanmoins à la conclusion selon laquelle le Parti libéral du Canada (PLC) a reçu au moins 679 497 $ en contributions illégales de la part du publicitaire Jean Brault et de l'entrepreneur Jacques Corriveau, ami intime de l'ex-premier ministre Jean Chrétien. Ce montant gonfle à 769 497 $ selon d'autres décomptes.

En procédant à des décomptes complémentaires, il est même possible de déduire que le Parti Libéral a touché illégalement près de 880 000 $ grâce aux commandites.

Le rapport d'enquête blâme donc M. Corriveau, l'ex-ministre provincial et organisateur libéral Marc-Yvan Côté (qui a reçu et distribué des sommes obtenues de façon illicite), Benoît Corbeil et Michel Béliveau (anciens directeurs du PLC-Q), Joseph Morselli (un collecteur de fonds du parti) "pour leur inconduite", de même que l'institution du PLC-Q.

Sur ces bases, s'est ouverte une nouvelle étape marquée par l'estimation effectuée par chaque parti. Ainsi, le Bloc québécois a convenu d'exiger la remise de 5,4 millions $ en se basant sur sa propre évaluation des malversations.

À d'innombrables reprises dans son rapport, John Gomery ne se gêne pas pour dénoncer les mensonges, les demi-vérités, les omissions, les trous de mémoire et les faux-fuyants de plusieurs des acteurs du scandale.

"Il est extraordinaire qu'aucun témoin n'a pu ou n'a voulu dire exactement à la Commission ce qui s'est passé" entre la création du programme des commandites par le cabinet fédéral, en février 1996, et la première rencontre du chef de cabinet de M. Chrétien, Jean Pelletier, avec le responsable de la nouvelle initiative, le fonctionnaire Chuck Guité, affirme par exemple le juge Gomery.

Puis, sur l'amnésie du publicitaire Jean Lafleur, que M. Gomery perçoit comme un "homme d'affaire intelligent", ce commentaire cinglant: "il est évident que la Commission avait devant elle quelqu'un qui préférait passer pour un imbécile plutôt que de dire la vérité".

Le commissaire évoque même un complot du silence: "le témoignage d'Éric Lafleur, comme celui de son père, est tellement truffé de questions restées sans réponse à cause de prétendus trous de mémoire que la seule conclusion qu'on puisse en tirer est que tous deux avaient décidé de dire qu'ils ne se souvenaient pas de faits pertinents pour éviter de dire la vérité", écrit-il.

À propos de Jacques Corriveau, John Gomery n'est pas plus tendre. Il note qu'il a "contredit à deux reprises son propre témoignage, dans le but d'induire la Commission en erreur". Le juge se montre aussi "sceptique" quant aux conséquences qu'une opération chirurgicale aurait eues sur la mémoire de M. Corriveau.

À l'égard du témoignage de Benoît Corbeil, le commissaire se fait carrément impitoyable. "Je suis parvenu à la conclusion que M. Corbeil est un témoin foncièrement menteur et que rien de ce qu'il dit ne contient la moindre parcelle de vérité", tranche-t-il.

Même s'il condamne avec force les agissements de Jean Brault, John Gomery salue sa franchise. "La Commission estime que tout ce qu'a déclaré M. Brault est digne de foi", décrète le juge.

Sur cette base, le parti de M. Harper a indiqué qu'il veillerait à faire toute la lumière sur les troublantes révélations de l'enquête.

Constatant combien ce sujet intéressait l'opinion publique, le Parti Conservateur a fait un pas supplémentaire en ouvrant le dossier plus général de l'argent en politique.

Dans ce cadre, le Parti Conservateur s'est engagé à :
- limiter les dons de particuliers à des partis ou des candidats à un maximum de 1 000 $,
- interdire toutes les contributions des sociétés, des syndicats et des organisations à des partis politiques, à des circonscriptions et à des candidats,
- interdire les dons en espèces à des partis politiques ou à des candidats de plus de 20 $,
- étendre à 10 années la période au cours de laquelle les infractions à la Loi électorale pourront faire l'objet d'une enquête et de poursuites.

Le vote du 23 janvier 2006 avait d'abord été un vote moral.

Le message passé par les électeurs canadiens avait été clair. En période de crise, il n'est pas possible de demander des obligations de résultats aux dirigeants. Mais au moment où la crise sévit pour chacun, les dirigeants doivent au moins être irréprochables quant à leur intégrité personnelle.

Stephen Harper a été empêtré dans de nombreux scandales.

Le retour du scandale des commandites sous les projecteurs arrive "dans les meilleures conditions" pour lui.

  • Publié le 15 septembre 2008

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