Ségolène Royal et le virage de la chance

  • Segolene Royal
  • Martine Aubry

Le 7 juin, les Français ont donné une prime électorale à ceux qui voulaient faire de 2009, année de toutes les catastrophes (économiques, sanitaires, environnementales ...) une année de "nouvelles chances". Cette vague de fond s'avère être la probable explication majeure des choix flottants.

En pleine crise, le pays a montré qu'il était à la recherche de ses chances.

Les chances d'actions, par la confiance donnée au parti présidentiel qui incarne l'énergie dans et par le mouvement.

Les chances d'évasion, par la poussée des écologistes qui incarnent l'autrement.

L'électorat du 7 juin a été composé par trois groupes mobilisés :

- l'électorat acquis : c'est le noyau dur de chaque camp politique. Cet électorat est sûr de ses convictions parfois même jusqu'à l'intolérance vis à vis des autres sensibilités.
Il aime et déteste.

Sous cet angle, les chiffres sont constants.

A mobilisation égale, l'UMP peut compter sur un socle de 24 %, le PS sur 15 %, le Front de Gauche (dont PCF) sur 5 % et le Modem sur 8 %. Ce sont les seuils planchers de chaque formation.


- L'électorat matérialiste : il s'agit d'une population plutôt jeune ou d'âge moyen qui se carac­térise par un faible niveau d'implication politique et souvent aussi par une plus faible propension à participer au scrutin.

Les électeurs qui composent cette cible sont plus hésitants que d'autres et expriment des soucis davantage de consommateurs-citoyens que l'inverse.

Ils ne sont pas très satisfaits de leur vie et aspirent à "plus" d'argent, plus d'emplois, plus de confort..., mais aussi plus de sociabilité, de contacts humains, plus de tolérance...

Ils sont peu sensibles à la propagande politique classique.

Leur perception du monde politique est .plus "sensorielle" que raisonnée d'où l'importance de l'image pour eux (par conséquent l'impact du documentaire Home).

Ils ont fait les gros du bataillon de la poussée ponctuelle des écologistes.


- Les modérés : à l'inverse de la précédente catégorie, celle-là est plutôt satisfaite de sa vie et affiche une certaine culture politique.

Elle rassemble à la fois des hommes et des femmes (un peu plus de femmes toutefois) se disant proches de la gauche pour les uns (majoritaires), proches de la droite pour les autres.

Ils ont en commun de rejeter l'affrontement politique trop exacerbé.

Assez hésitants, ils reconnaissent qu'ils changent parfois de décision de vote en cours de campagne, voire même hésitent jusque dans l'isoloir pour certains.

Plus attachés aux hommes qu'à leurs étiquettes, ils ont formé les bataillons de l'abstention car la campagne ne comportait pas d'enjeu précis pour eux.


Pour une fois rare à ce point, les enquêtes laissent apparaître que ceux qui se sont mobilisés ont voté pour le concept de chance en lui donnant un contenu différent.

Pour l'électorat présidentiel, la chance c'est de conforter le Chef de l'Etat qui a sauvé de la crise, qui engage les réformes, qui change progressivement la France en menant des réformes courageuses et incontournables.

Pour l'électorat écologiste, la chance, c'est de tirer enfin le signal d'alarme sur les corrections qui s'imposent. C'est la chance de changer le tir en mettant en oeuvre des mesures qu'aucune formation politique n'a voulu ou pu mettre en oeuvre par le passé pour sauver la planète.

Avec des contenus différents, le moteur du vote fut le même pour les deux vainqueurs du scrutin du 7 juin : la chance.

De 2009, année de toutes les catastrophes, l'opinion voulait que le scrutin du 7 juin fasse de 2009 l'année des nouvelles chances.

Ceux qui sont passés à côté de cette "vague culturelle" n'ont pas rencontré l'opinion.

Le PS n'incarnait aucun message lisible ; d'où son repli à proximité de son plancher idem pour le Front de Gauche ou les composantes extrêmes.

Le Modem avait une fenêtre de tir pour occuper son espace. Le buzz du débat de France 2 le ramenait à la polémique politicienne classique. Sa propre chance venait de passer ...

Il reste à savoir comment Ségolène Royal va pouvoir se réapproprier cette vague pour entamer le rebond nécessaire.

C'est la part inconnue des prochains jours afin d'enclencher les régionales sur des bases plus positives. Régionales qu'elle avait lancées à mi-septembre en 2004.

  • Publié le 12 juin 2009

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